NOTRE BONTÉ A DES LIMITES
Pétia voulait parler mais c’est une manière de mélasse qui lui sortait par la bouche. On ne comprenait rien à ce qu’il disait. On voyait bien pourtant qu’il tenait à s’exprimer, alors on restait là... Il nous regardait avec angoisse et recommençait à débiter sa marmelade. Qu’est-ce que c’était que ce truc ? Est-ce qu’il avait trop chaud ? Est-ce qu’il avait trop froid ? Était-il arrivé malheur par chez lui ? A nouveau la marmelade. Alors on se grattait la tête en échangeant des moues perplexes, tandis que Pétia se liquéfiait en s’entendant lui-même régurgiter sa mélasse. Comme la situation s’éternisait, cependant, ceux qui s’étaient agglutinés regagnèrent avec prudence leur poste de travail sans plus se soucier de Pétia. Et la vie reprit son cours… Vous le trouverez à l’heure qu’il est dans je ne sais quel quartier de la ville à baragouiner ses salades au milieu des trafics et des échanges codifiés qui font le sel et le ciment de la vie sociale. Si l’on devait se soucier de tous ceux qui basculent du jour au lendemain dans l’incompréhensible… N’avons-nous pas assez à faire que d’éviter de sombrer au fond de nos propres gouffres ? Hum ?
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